Quel rôle joue l’empreinte numérique dans le recrutement ?

La vérification des traces que laissent des candidats sur Internet se fait de manière régulière aujourd’hui. Qu’apportent-elles au juste et quelles sont les bonnes pratiques en la matière ?

Avec l’avènement des réseaux sociaux, il est difficile, sinon impossible aujourd’hui de passer inaperçu sur le Web. Et ces traces, que l’on résume sous le terme d’empreinte numérique, constituent des informations précieuses pour les recruteurs et responsables de ressources humaines, qui ne disposent que d’un profil partiel des candidats après la lecture d’un curriculum vitae et d’une entrevue.

Officiellement, selon certaines sources en ressources humaines, de 49% à 77% des recruteurs cherchent des informations en ligne sur les candidats. « Mais cette pratique est en fait très courante, voire systématique pour les recruteurs de métier. Certaines entreprises disposent même d’employés attitrés à de la recherche d’informations sur les candidats et à de la vigie des réseaux sociaux du personnel », indique Benoit Ferland, directeur des ressources humaines chez Groupe Velan Media.

Aussi, même si le recrutement demeure avant tout une affaire de relations humaines, la vérification de l’empreinte numérique des candidats et de leur e-réputation en est devenue une composante importante.

Vérification numérique : une large sphère de recherches

L’empreinte numérique d’un candidat ressemble aux cailloux du Petit Poucet. Elle comprend son identité numérique, c’est-à-dire sa démarche personnelle et volontaire de partage d’informations sur des médias sociaux comme LinkedIn, Twitter, Facebook et Instagram.

On peut greffer à ce premier niveau de recherche celui de l’e-réputation, à savoir l’image associée au candidat sur le Web. Cette démarche se réalise en entrant le nom de la personne sur Google ou un autre moteur de recherche, afin d’y découvrir des textes de blogues, des participations à des groupes ou des forums. Certains recruteurs s’attardent aussi à ce que d’autres peuvent dire ou afficher sur le candidat. Il faut d’ailleurs savoir que cette recherche précède parfois la lecture du CV, ce qui prouve son importance.

Les bons coups et les faux pas numériques des candidats

L’actualité regorge d’exemples de bonnes et de mauvaises actions numériques de candidats. On se souvient récemment d’Hélène Boudreau, cette étudiante de l’UQAM ayant posté une photo d’elle seins nus en train de brandir son diplôme universitaire. Ou à l’inverse, d’Énola Bédard, cette jeune danseuse qui s’est fait remarquer sur TikTok et a ainsi réussi à décrocher de très beaux mandats aux États-Unis.

L’influence de l’empreinte numérique d’un candidat, qui devient du même coup l’ambassadeur de l’entreprise pour laquelle il va travailler, est donc bien plus importante qu’on pourrait le croire au premier abord. Et ce n’est pas parce que les réseaux sociaux donnent l’impression de pouvoir écrire, dire ou faire en toute impunité n’importe quoi que cela est vrai. Comme l’indique d’ailleurs M. Ferland, « On suit des cours d’éthique à l’école, mais on ne suit pas des cours d’éthique numérique, ce qui est bien dommage pour certains candidats dont l’empreinte numérique en souffre par la suite. Parce que dès qu’on poste quelque chose sur les réseaux sociaux, ce contenu ne nous appartient plus. »

Alors, justement, à une époque où la polarisation des contenus semble dominer la toile, à quoi les recruteurs s’attardent-ils quand ils veulent trouver des informations personnelles sur un candidat qu’ils n’ont pas légalement le droit de demander lors d’une entrevue ?

Vérification numérique d’un candidat : les étapes

Tout commence souvent par une observation des photos de la personne. Joue-t-elle avec la nudité ou des poses osées? A-t-elle posté, ou bien l’a-t-on taguée à de nombreuses reprises alors qu’elle était saoûle? Pose-t-elle fièrement au sein de groupes peu recommandables ou polarisants, par exemple lors de manifestations anti-masques? De telles traces numériques peuvent évidemment nuire à une candidature, alors que le fait de voir la même personne au centre d’actions bénévoles, entourée et soutenue par des personnes de son milieu, ainsi que félicitée pour la qualité de son travail vont au contraire lui être très bénéfiques dans le cadre d’une recherche d’emploi.

Après cette première lecture visuelle en vient une autre, d’ordre écrit. Cette personne a-t-elle des propos crus, agressifs, racistes ou blasphématoires? Critique-t-elle régulièrement les institutions et le gouvernement? Exagère-t-elle son affirmation sexuelle, religieuse, ou bien son état de santé ? Fait-elle de nombreuses fautes d’orthographe ? Reçoit-elle des commentaires négatifs sur son travail ou son attitude de la part d’autres internautes?

« Tout cela en dit long sur la personnalité et même les compétences d’un candidat, soutient Benoit Ferland. Si cette personne est par exemple peu soucieuse de son image sur les réseaux sociaux, peu rigoureuse, ou critique de l’establishment, il y a fort à parier que ce comportement se répercutera dans l’entreprise. Et de la même manière, si le candidat en question cherche un poste dans la vente, mais ne dispose pas d’un profil Linkedin, on peut douter de sa capacité de réseautage professionnel et de sa capacité de curiosité personnelle. » Ce directeur n’est d’ailleurs pas le seul à le penser, puisque 35% des recruteurs interrogés en 2020 avouent avoir écarté un candidat après avoir trouvé des informations négatives sur lui sur Internet.

Les limites du profilage numérique

A priori, notre société n’est plus à cheval sur certaines caractéristiques des candidats. Leur origine géographique ou sociale, leur orientation sexuelle, leur religion et les maladies mentales dont ils peuvent souffrir ne font pas partie des questions qui leur seront posées lors d’une entrevue. Par contre, dans certaines entreprises plus rigides ou à l’image de marque traditionnelle, le fait de trouver sur le Web des traces qui prouvent que ces candidats s’affirment haut et fort ou s’engagent dans des groupes ou des causes liées à ces thèmes peuvent les pousser à refuser ces postulants, même s’ils ont par ailleurs un CV et un parcours professionnel irréprochables.

« Dans certains secteurs d’activités, comme le domaine financier ou de la justice, on considère que l’employé peut nuire à la réputation de l’entreprise pour laquelle il travaille, explique M. Benoit. On leur fait d’ailleurs souvent signer un code de déontologie qui s’étend à la sphère numérique. »

Une telle attitude est-elle encore recevable en 2021? Les avis sont partagés sur la question. Comme le fait de savoir que de grandes sociétés d’ici et d’ailleurs monitorent carrément l’utilisation des réseaux sociaux de leurs employés. Fixer des limites à son intrusion dans la vie privée d’une personne est propre à chaque entreprise et même à chaque personne, mais parfois, cette dernière va très loin.

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