Encourager la réussite des femmes dans le secteur automobile

Au sein d’une industrie automobile encore masculine et conservatrice, Amélie Chevanel, directrice générale de deux concessions Kia, représente un modèle de réussite au féminin. Entretien avec cette battante.

Amélie Chevanel a le sourire chaleureux, l’énergie des leaders et le franc-parler issu de l’expérience. Il est donc impossible de deviner au premier abord ce par quoi est passée cette directrice générale à la tête des concessions Ville-Marie Kia, à Montréal, et Concept Kia, à Dorval, pour en arriver là.

Pourtant, comme beaucoup de femmes à des postes de direction, et plus encore dans le domaine automobile, Amélie a travaillé très dur pour concrétiser ses rêves. « J’ai réussi, car je suis une travailleuse acharnée et tenace », confie-t-elle.

De la ténacité, il lui en a effectivement fallu pour passer d’une chaîne de production dans le secteur manufacturier à la gestion de deux concessions automobiles. À commencer par un retour sur les bancs d’école à l’âge de 28 ans, avec deux enfants en prime. « J’ai quand même réussi à finir mon secondaire et à décrocher un diplôme en comptabilité au Cégep », raconte-t-elle. 

Gravir les échelons professionnels, un barreau à la fois

Une fois sa formation réalisée, sa première chance professionnelle, Amélie Chevanel l’a eue grâce à une femme : la propriétaire de Motos Illimitées, Lynn Landry, qui a notamment fondé en 2011 le regroupement « Femmes Illimitées » participant chaque année à la Journée Internationale de la femme à moto.

« Je travaillais depuis un an au sein du département des ressources humaines lorsqu’elle m’a dit que si je le voulais, je pourrais devenir sa meilleure directrice financière. Alors j’ai relevé son défi ! Mme Landry a vraiment été une grande source d’inspiration pour moi. À tel point, d’ailleurs, que lorsque je parle aujourd’hui, j’ai souvent l’impression d’entendre sa voix, même après 15 ans ! »

C’est donc dorénavant à titre de directrice financière (FNI) qu’Amélie est arrivée en 2005 dans le secteur automobile. Mais ce n’était qu’un début pour cette trentenaire qui en voulait plus. Elle a bientôt accepté le rôle de distributrice de produits financiers dans des garages et des concessions.

« Et cela n’a pas été facile, croyez-moi ! lance-t-elle. Quand on est une femme et que l’on rencontre des directeurs 100% masculins, même si on dégage de l’assurance, on n’est jamais prise au sérieux. Il a fallu que je sois solide et que je travaille très fort pour gagner leur confiance. »

Puis les années ont passé, et Amélie Chevanel a commencé à caresser le rêve de diriger une concession. Mais son statut plafonnait. « On me classait toujours dans la boîte des non, soi-disant parce que je n’avais pas d’expérience dans le service ni les pièces. Mais j’étais déterminée à réaliser ce rêve », indique-t-elle.

Alors, la battante n’a pas hésité, lors d’une rencontre en 2020 avec celui qui deviendrait son patron, M. Serge Coté, à lui faire part de son vœu, à prendre ou à laisser… Un voeu qu’il a pris en lui confiant les rennes de Ville-Marie Kia ! « J’avoue que la première journée, raconte Amélie, je me suis vraiment demandée si j’allais y arriver. Mais j’adore vraiment ce que je fais et je m’y sens aujourd’hui parfaitement à ma place. » 

Un avis d’ailleurs partagé par M. Coté, qui lui a aussi légué récemment la direction d’une seconde concession automobile, Concept Kia. Et qui a également assis deux autres femmes à la tête de ses autres affaires, ce qui n’est pas anodin. Tout un cheminement, n’est-ce pas ?

La gestion au féminin

Que pense Amélie Chevanel du milieu automobile ? « Honnêtement, je le considère encore comme conservateur et sexiste. Mais, ajoute-t-elle, il est en train de changer, souvent grâce aux clients qui influencent les pratiques des professionnels. »

La directrice prend l’exemple d’une de ses conseillères techniques, Annie Chamberland. « Il y a encore 10 ans, les hommes qui auraient amené leur voiture pour des réparations n’auraient pas voulu faire affaire avec elle, car ils pensaient qu’elle ne comprendrait pas leurs problèmes techniques du fait que c’était une femme. Mais nos clients l’aiment beaucoup parce qu’ils ont constaté qu’elle est très compétente. C’est ce changement de mentalités de la part des clients qui fait en sorte qu’on a de moins en moins droit à des « La p’tite Madame, elle est bien cute » à l’intérieur des garages. »

Amélie est évidemment très ouverte à accueillir plus de femmes au sein de son équipe, que ce soit dans des métiers administratifs ou manuels. Elle reconnaît cependant qu’il est encore difficile de recruter des mécaniciennes ou des débosseleuses. « Mais nous avons la chance d’avoir une très efficace et impliquée femme de cour! », dit-elle fièrement.

Parallèlement, la directrice croit que plus de femmes se lanceront dans le secteur automobile alors que ce dernier vit une pénurie historique de main-d’œuvre qui force les directions à revoir leur manière de gérer. 

« On ne peut plus faire les choses comme avant, confirme Amélie. En plus d’un effort à déployer pour vaincre les préjugés et établir l’équité salariale, les employeurs doivent dorénavant tenir compte de la qualité de vie de leurs employés, quel que soit leur sexe. Ce qui comprend l’ouverture au télétravail, à des heures flexibles et à des facilités. Hier, une des membres de mon équipe a dû venir avec son fils au travail, et je l’ai compris. Je suis moi-même une grand-mère avec un siège d’auto dans ma voiture. »

Oui, mais diriger autrement, est-ce vraiment possible dans le milieu automobile ? « Oui, et j’en suis la preuve ! affirme Amélie Chevanel. Il faut juste penser « out of the box ». Ne pas rester dans sa tour d’ivoire décisionnelle, ce qu’on voit encore souvent, et plutôt gérer sous forme de pyramide inversée, c’est-à-dire en peaufinant et en mettant en place des idées qui viennent des employés. Je crois beaucoup personnellement en la valorisation des membres de mon équipe à travers l’écoute, la proximité et des marques d’attention. C’est ce qui me démarque. »

Et c’est ce qui semble-t-il porte fruit, à voir la réussite que connaît cette directrice. Alors, est-ce que la gestion au féminin prônée par Mme Chevanel et, plus globalement, une nouvelle manière de concevoir le rapport à l’emploi et aux employés, hommes comme femmes, constitueront les clés du succès futur des entreprises automobiles ? La question est lancée.

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